Quelques informations pour mieux comprendre les difficultés que peut générer une précocité intellectuelle et pour percevoir quelques moyens d’accompagnement permettant d’aider l’enfant dans ses apprentissages.
« L’enfant haut potentiel (HP) est essentiellement caractérisé par la grande précocité de son développement intellectuel » (Terrassier, 2014). Pour poser un diagnostic, un bilan neuropsychologique est requis pour analyser le quotient intellectuel (QI) de l’enfant, qui doit être significativement supérieur à la moyenne (« égal ou supérieur à 130 » (Grand, 2011) ou à 120 voir 140 selon les auteurs). « Pour autant, la précocité intellectuelle ne garantit pas l’excellence scolaire » (Wahl, 2017). En effet, être HP signifierait avoir une intelligence particulière, penser, raisonner et apprendre autrement. Mais c’est aussi être plus fragile, grandir avec une hypersensibilité et une affectivité envahissante rendant l’adaptation scolaire difficile (J. Siaud-Facchin, 2012). De plus, « on retrouve avec une plus grande fréquence chez les surdoués, des troubles de l’apprentissage tels que la dyslexie, la dysorthographie ou une difficulté à écrire » (Bléandonu, 2004)
L’enfant précoce et les relations sociales ?
Avec les camarades : Les relations sociales peuvent être complexes. En effet, son mode de pensée, son raisonnement et ses centres d’intérêts (souvent les thèmes scientifiques) ne sont pas les mêmes, ce qui peut générer des conflits, de l’incompréhension, de l’ennui et le sentiment d’être différent. « Il existe alors un risque d’isolement » (Wahl, 2017).
Avec l’enseignant : l’enfant précoce peut révéler une certaine « dépendance affective » (Siaud-Facchin, 2012) envers l’enseignant, corrélée avec le degré d’implication et de motivation à travailler.
La dyssynchronie ?
Terrassier (2014) parle du concept de dysynchronie comme un développement hétérogène au niveau de l’évolution intellectuelle, de l’évolution psychomotrice (ou sensori motrice) et de l’évolution affective. C’est-à-dire que l’enfant précoce présente une discordance « dans les différents registres du développement, la précocité intellectuelle ne s’accompagnant pas nécessairement de précocité dans d’autres domaines, par exemple dans la maturité affective ou l’habileté motrice » (Wahl, 2017).
Quelles dyssynchronies sont généralement observées chez l’enfant haut potentiel ?
Acquisition rapide du vocabulaire « dès l’âge d’un an et demi ou deux ans, il peut parler comme un enfant de trois ans » (Grand, 2011). Mais il y a souvent une « non orchestrations physiologique des organes de la phonation » (Wahl, 2017), ce qui constitue la 1ère dyssynchronie (les organes phonatoires n’agissent pas encore en harmonie, entravant alors la capacité ou l’envie de dire des mots).
Dyssynchronie intelligence-psychomotricité : écart entre le développement intellectuel et le développement psychomoteur (Wahl, 2017). La maturation sensori motrice de l’enfant intellectuellement précoce étant liée à l’âge biologique, elle est inférieure à celle intellectuelle qui se développe plus rapidement. C’est pourquoi, Terrassier (2014) fait le « constat d’un important décalage entre le niveau intellectuel et la capacité de lecture précoce d’une part, et d’autre part, les difficultés fréquentes en écriture ». Le rythme d’écriture de l’enfant HP ne peut suivre le rythme de sa pensée. La main se crispe et l’acte s’en trouve ralentit. L’enfant HP ne « possédera pas encore l’habileté graphomotrice qui doit accompagner l’apprentissage de l’écriture » (Wahl, 2017) alors qu’il possédera « toute les capacités cognitives pour apprendre à écrire » (Wahl, 2017). Cela peut provoquer un sentiment d’échec et une baisse de l’estime de soi.
Dyssynchronie : intelligence – affectivité : « le développement intellectuel précoce ne s’accompagne que rarement d’un développement affectif de même niveau » (Wahl, 2017). En effet, une intelligence brillante peut cacher une immaturité affective et de grands besoins (Bléandonu, 2004). Cette dyssynchronie peut engendrer des difficultés pour l’enfant.
Quelques particularités :
- Souvent une très bonne compréhension avec une rapidité et une facilité à manipuler les nombres, en passant par un raisonnement différent des autres.
- L’hypersensibilité est fréquemment observée et peut générer des difficultés notamment face à des situations d’échecs.
- Une grande créativité avec un intérêt pour les tâches complexes.
- Ennui dû au décalage entre l’enseignement scolaire et son fonctionnement cognitif. Certains parlent alors de dyssyncrhonie scolaire. Cet ennui peut générer de l’agitation, bien différente du trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H).
ATTENTION : certains enfants HP peuvent « se fondre dans la masse », ce qui peut entraîner un diagnostic plus difficile ou plus long.
Que peuvent faire les écoles ?
Enrichissement : « c’est un enseignement complémentaire hors programme proposé aux enfants intellectuellement précoces » (Wahl, 2017). Cela permet alors « d’éviter la souffrance et assouvir les besoins légitimes d’apprendre chez ces enfants » (Giordan et Binda, 2006). Ainsi, on peut répondre à sa curiosité en proposant des activités culturelles, des conférences, des challenges afin qu’il prenne plaisir à travailler.
Selon Gallagher, le jeu des conséquences est stimulant et créatif pour développer le sens critique, créer des idées et raisonner sur des problèmes complexes. Cela consiste à demander : « Dites moi toutes les conséquences, si : les journées duraient 2h seulement, la mer couvrait toute la surface de la terre…etc » (Terrassier, 2014).
Saut de classe : permet d’accélérer le rythme d’apprentissage pour limiter l’ennui. MAIS cela peut engendrer des difficultés dans les domaines ou l’enfant n’était pas à l’aise et l’obliger à s’intégrer avec des enfants plus âgés alors qu’il peut présenter un manque de maturité affective (Bléandonu, 2004).
Classes de niveau : à l’intérieur d’une même classe on regroupe les élèves par niveau. Mais cela s’avère moins efficace et positif (Wahl, 2017).
Classes spéciales : regroupent les enfants hauts potentiels en prenant en compte leurs besoins spécifiques. Cela atténue le sentiment de différence (Bléandonu, 2004).
Mesures personnalisées afin que l’enfant surdoué exploite ses potentialités. Il peut être intéressant de proposer à l’enfant d’expliquer sa différence à ses camarades pour réduire la dyssynchronie sociale, proposer des projets collectifs pour favoriser la coopération etc. Lorsque l’enfant termine un exercice, il est plus judicieux de le laisser parcourir un livre, s’adonner à une activité de réflexion sur un sujet pédagogique qui le passionne plutôt que de lui demander de continuer les exercices du livre.
Enfin, faire un exposé sur ordinateur est selon Zentall et al (2001 cité par Weil-Barais et Lubart, 2006), un outil qui permet à l’enfant surdoué de focaliser son attention et de mieux apprendre.
Et l’ergothérapeute ?
- L’ordinateur pour les apprentissages scolaires ? Oui, cela peut être possible selon les situations !
- L’ergothérapeute peut alors intervenir pour accompagner l’enfant HP dans l’apprentissage et la gestion de l’outil informatique (cf actualité « outil informatique : pourquoi et comment peut-il être utilisé ? »).
Enfin, il est important d’échanger avec des professionnels compétents afin d’obtenir toutes les informations et d’élaborer si besoin, un projet d’accompagnement pour aider au mieux l’enfant dans sa vie quotidienne et ses apprentissages.
Roussel Mégane (stagiaire ergothérapeute)
Références :
Bléandonu, G. (2004). Les enfants intellectuellement précoces (1ère édition). Paris : Presses Universitaires de France.
Giordan, A. & Binda, M. (2006). Enfants surdoués : un nouveau regard, comment accompagner les enfants intellectuellement précoces. Paris : Delagrave.
Grand, C. (2011). Toi qu’on dit « surdoué » : la précocité intellectuelle expliquée aux enfants. Paris : L’Harmattan.
Siaud-Facchin, J. (2012). L’enfant surdoué : l’aider à grandir, l’aider à réussir. Paris : Odile Jacob.
Terrassier, J.-C. (2014). Les enfants surdoués ou la précocité embarrassante (10ème édition). Issy – les – Moulineaux : E.S.F.
Weil-Barais, A. & Lubart, T. (2006). Enfants exceptionnels : précocité intellectuelle, haut potentiel et talent. Rosny-sous-bois : Bréal.
Wahl, G. (2017). Les enfants intellectuellement précoces. Que sais-je ?, 1-128.